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L’Esprit – l’Âme – le Corps :

Rester un éternel élève, continuer d’apprendre toute sa vie, c’est l’un des plus grands conseils que nous a transmis Chen Man Ching. Cette attitude aide à s’ouvrir à ce qui n’est pas encore connu, source d’une régénération profonde.

Dans son dernier livre, Une longue route, François Cheng s’interroge : « La puissance créatrice, disons le Créateur, qui a fait advenir le cosmos et la Vie, quel est son dessein ? Pourrait-il se contenter des astres qui tournoient indéfiniment sans le savoir ? n’auraient-il pas besoin de « répondants », d’êtres doués d’une âme et d’un esprit comme nous le sommes, qui donneraient sens à la Création ? Le Cosmos nous enseigne que l’univers a pour dimension l’infini et pour fonctionnement la rectitude. Mais la Vie est d’un autre ordre, qui comporte épreuves et dépassements. A nous de les assumer. Si nous sommes à même de penser l’univers, c’est que l’univers pense en nous. Au fond de l’écrasante nuit, une certitude s’impose à moi : l’aboutissement de la création n’est pas l’Univers physique mais bien la Vie ; elle est l’unique aventure, celle de l’Etre qui, seule, implique le processus d’un développement ouvert ».

Son interrogation fait écho à la pratique du Taiji. Le Taiji est un Art en soi, un art interne qui touche l’Univers qui nous entoure, en relation avec notre Être Profond. La forme exacte des exercices proposés et la compréhension de chaque mouvement dévoilent peu à peu au pratiquant la relation qui se tisse entre son corps, son Être et le monde dans lequel il évolue. La profondeur du Taiji se cache dans la possibilité de sentir son corps devenir le réceptacle d’une Energie, Qi ou Prâna selon les traditions, puis de mettre en mouvement cette force. Le Taiji permet à celui qui le pratique de recevoir et de guider ce courant d’énergie, cette tentative progressivement affine son être, cet affinement demande un long travail, à l’image de la barre d’acier qui, longtemps travaillée, devient une fine aiguille.

L’essence intérieure du Taiji s’écoule des enseignants aux élèves sincères par une chaîne ininterrompue, la qualité de la transmission permet le développement d’une compréhension chez le pratiquant. Yang Ch’eng Fu, indique dans les 10 principes essentiels du taïchi chuan, « si au lieu de la force musculaire on emploie la pensée, on pourra conduire le Qi là où la pensée est arrivée. Grâce à un long entrainement, on acquiert la véritable force interne ». Cette force possède sa propre réalité psycho physique. Différentes parties du corps jouent un rôle dans son développement avec le soutien de l’Esprit Profond. Wu Yü Hsiang précise « accumuler la force interne avant de l’émettre, c’est comme tendre un arc ; l’émettre, c’est comme décocher une flèche ». On peut comparer son accumulation à celle de l’énergie potentielle des spirales d’un ressort qui, pour ne pas dissiper les effets de son action, ne doivent pas se détendre complétement.

Dans le traité classique attribué à Chang San Feng, est évoqué le Taiji comme semblable au flux incessant d’un long fleuve ou aux vagues de la mer qui se meuvent continuellement et sans fin. Ces vagues interconnectent différents niveaux d’énergies, c’est la perspective développée par P. Kelly dans Taiji – principes taoïstes en pratique : « Les mouvements au sein de l’Esprit Profond, une fois que les connexions sont bien formées, produisent une vague de réponse ondulant à travers les niveaux d’énergie jusqu’au bas Ethérique où les impulsions nerveuses électromagnétiques résultantes génèrent la réponse du corps ».

Ce raffinement interne pratiqué pendant des années aide à stabiliser les sensations dans le corps, développant un ancrage, mobilisable dans la vie quotidienne. Soutien puissant pour gérer les vagues émotionnelles de la vie, pour éviter de se laisser embarquer par les réactions. Cette tentative incessamment renouvelée, comme un enfant qui apprend à marcher, permet de différencier petit à petit les réactions automatiques du corps, des réelles émotions.

Ici un autre monde s’ouvre qui progressivement va permettre de ressentir plus clairement le tissage des relations avec les êtres qui nous entourent, d’affiner les connexions, de les clarifier, de les purifier. Long cheminement, où se déroule une âpre lutte entre l’ego, influencé par la vie extérieure et l’Âme guidée par l’Esprit. Ce combat tente de déjouer les manœuvres de l’ego qui s’évertue à vouloir créer une image subjective de soi-même allant à l’encontre de l’évolution de l’Âme. Dans cette épreuve, seule la création d’énergie positive reliée à l’Âme pourra dissoudre l’énergie négative liée aux anciens schèmes incrustés. Une véritable vision avec une prise de conscience plus profonde commence à apparaître. Quand les dettes passées sont dissoutes, l’Âme s’harmonise avec l’Esprit, permettant la réception d’énergies plus fines.

Le Taiji permet ainsi, de tisser progressivement un cocon de soie, de Soi …  Une chrysalide lumineuse d’où peut émerger un Être au service de la Vie.