Les pages nommées “Principes essentiels” présentent un certain nombre d’extraits (suite à une traduction en français) des livres de Patrick Kelly, avec son autorisation.

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État de rêve
J’ai découvert que, dans l’état de rêve, la conscience astrale, bien que tout à fait lucide en elle-même, ne pouvait pas percevoir le monde éthérique ou physique, bien que, avec de l’entraînement, les mémoires de ce niveau puissent être ramenées d’une manière assez claire dans le domaine physique– alors que les ramener du plan céleste n’est possible que pour des personnes bien développées, ou par une impulsion spéciale venue d’en haut.

Un bon terrain de rencontre pour être guidé intérieurement est l’état de rêve. C’est dans cet état que la guidance peut être imprimée d’en haut dans la conscience astrale sans trop de difficultés, et il ne reste plus qu’à s’entraîner à un rappel précis au moment du réveil. De manière significative cette guidance traverse plus facilement au moment où nous quittons le niveau céleste pour revenir à l’astral, c’est-à-dire à la fin du sommeil profond. Immédiatement après la réception du « rêve-guide », on se réveille de manière à se rappeler autant que possible le souvenir de ce qui vient d’en haut.

Le rêve intentionnel
Une nuit, alors que j’étais allongé sur la mezzanine – réservée pour dormir – de la salle d’entrainement avec les autres élèves et que je flottais dans un état de demi-sommeil, l’idée d’un certain mouvement du bras me traversa l’esprit. Presque instantanément et sans plus d’intention perceptible, mon bras droit s’élança en l’air à grande vitesse et, dans un état presque complètement détendu mais avec une grande force, frappa le mur de la pièce dans laquelle dormait Maître Huang. L’impact perturbant son sommeil, il appela en chinois, puis se rendormit. Je ne ressentis aucune douleur bien que toute ma force se fût concentrée dans le dos de ma main. La compréhension de ce moment ne m’a pas quitté et je me mis à pratiquer pour rendre ce phénomène réalisable à volonté.

Deux concepts essentiels devinrent plus clairs après cette expérience. Le premier : si la conscience est au repos dans l’état de demi sommeil – centrée sur les niveaux éthériques – des ordres directs peuvent être transmis au corps sans qu’il n’y ait besoin de l’intervention des pensées superficielles. C’est complètement différent de la simple répétition d’un mouvement de nombreuses fois jusqu’à ce qu’il puisse être effectué sans intention délibérée, comme par exemple faire du vélo. Le deuxième point essentiel est que, si une intention délibérée peut être utilisée pour initier un mouvement, maintenir l’intention une fois que le mouvement commence réellement perturbera l’évolution naturelle du mouvement.

Beaucoup des lectures du Maître au cours de ces 7 jours étaient centrées sur l’utilisation de l’intention (Yi). N’oubliez pas que ce mot a une signification spéciale pour le Taiji, à rapprocher de “volonté” plutôt que de “idée” ou “désir”. Souvenez-vous également que c’est le “Cœur” (Xin) ou l’Esprit Profond, et non l’esprit superficiel (la conscience cérébrale), qui fait naître l’intention. J’avais essayé de comprendre le processus de l’intention qui apparaissait progressivement puis disparaissait progressivement. Naturellement, rien ne se passe instantanément : cela n’apparaît ainsi que lorsque la perception est trop lente ou trop grossière pour suivre le processus en cours.

Ma compréhension intellectuelle limitée de cette époque ajoutée à la compréhension pratique issue de ce mouvement dans un état de demi-sommeil me donna des pistes pour des recherches complémentaires. Je découvris que cette manifestation soudaine de puissance qui, à cette occasion, avait animé mon bras pouvait être reproduite de la manière suivante : à partir d’un état calme et concentré, permettre à la prise de conscience de se déplacer du point précis du corps où l’énergie est concentrée jusqu’à l’endroit précis de l’impact. Cela crée un lien dynamique entre ces deux points, pas toujours une ligne droite et naturellement capable de changer de manière interactive avec l’emplacement des points. Vient ensuite l’étape la plus importante mais la plus difficile. Faire en sorte que tout “désir de mouvement” se dissolve, ne laissant que la foi, à partir de cet état de vacuité le mouvement correct va apparaître apparemment de lui-même. Le plus souvent il apparaîtra, ce qui ne manque jamais de nous étonner. Ce n’est pas différent du pouvoir accessible sous hypnose, lorsque l’esprit est dans un état de demi-sommeil et que la partie motrice instinctive de l’être répond à des commandes élémentaires directes, bien que dans ce cas, la personne ait en grande partie abandonné son pouvoir volontaire.

Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai vraiment compris pourquoi cette méthode de manifestation de la force naturelle fonctionnait si bien. Lorsque nous formons une intention, il y a toujours un mélange d’esprit superficiel et d’Esprit Profond. Si nous pouvons retirer la partie superficielle de l’intention de la bonne manière, alors ne restera que l’intention de l’Esprit Profond. Pour un bref moment, celui-ci peut prendre le contrôle du corps et produire des résultats remarquables. A un stade beaucoup plus tardif faisant suite à un entraînement correct, l’intention presque imperceptible de l’Esprit Profond peut être générée consciemment sans qu’il soit besoin auparavant de l’intention superficielle.

Comment entrer à volonté dans l’état profond où le corps répond instantanément et totalement à l’intention la plus pure ? Cela devint un point central de mon entraînement. Progressivement, je réalisai que la clef de la première étape importante était de faire passer la conscience des sens externes aux capteurs internes. Après cela, comme Maître Huang le faisait remarquer, « le reste est facile. » L’étude de l’histoire de tous les bons systèmes internes confirma ma compréhension, et pourtant c’était là un autre sujet extrêmement important dont je n’ai pu trouver nulle part une description pleinement explicite.

Certes ce n’est que récemment que les physiologistes ont découvert la nature physique des différents récepteurs sensoriels internes. Auparavant, beaucoup croyaient qu’il n’y en avait que d’une seule sorte, et que c’était l’aire du cerveau à laquelle ils étaient connectés qui déterminait à quel stimulus le capteur répondait – mais dans l’ésotérisme, ils étaient connus depuis des milliers d’années.   

Les 5 sens internes

Il est bien connu que la perception du monde extérieur se fait par nos 5 sens externes. Ne pas comprendre qu’il existe 5 sens internes, tout à fait différents des 5 sens externes, fait que la recherche d’une véritable sensation du corps se fait sans intelligence et se base sur l’espoir et la chance.

Les 5 sens externes – vue, ouïe, odorat, goût et toucher – recueillent les informations du monde physique externe. L’esprit superficiel en est conscient. Se concentrer sur eux n’amène pas à une véritable sensation du corps mais renforce simplement la mainmise de l’esprit superficiel. De nombreux systèmes trompeurs de développement intérieur sont basés à tort sur l’accroissement de la prise de conscience de ces sens externes. Toutefois, comme le décrit Maître Huang, les 5 sens externes participent nécessairement à l’entrainement des débutants jusqu’au niveau de la quatrième année.

De même que les 5 sens externes ont spécialisé des récepteurs sensoriels capables de répondre à différents stimuli externes, il y a, à l’intérieur du corps, un ensemble spécifique de récepteurs sensoriels, conçus pour répondre aux différents stimuli internes. Ces récepteurs sensoriels internes peuvent aussi être utilement classés en 5 groupes principaux : capteurs de douleur, capteurs articulaires, capteurs des muscles, capteurs de pression et d’étirement et capteurs de température. En plus de ces 5 groupes, il existe quelques capteurs mineurs pour différents équilibres chimiques dans le corps. La concentration sur les 5 principaux types de récepteurs neurosensoriels internes (5 sens internes) coïncide avec – et par conséquent active- la partie la plus superficielle de l’Esprit Profond : le niveau éthérique.

Il n’y a que 3 des 5 types de nerfs sensoriels internes à être utilisés pour réguler le mouvement : la position des articulations, l’état musculaire et la pression. Un seul de ces 3 types a des nerfs moteurs correspondants : l’état musculaire. C’est-à-dire qu’il y a des nerfs moteurs qui modifient directement l’état musculaire par la série de contraction, détente, étirement et dés étirement pendant que les capteurs d’état musculaire peuvent détecter ces modifications, alors que la position des articulations ainsi que la pression ne sont modifiées qu’indirectement, par suite du changement de l’état musculaire ou de forces extérieures.

Les récepteurs sensoriels internes sont répartis dans tout le corps, si bien que lorsque – après de nombreuses années d’entraînement et parfois par hasard – la conscience peut vraiment se concentrer sur ces sensations internes, la sensation de soi plus profonde qui survient est ressentie comme n’étant plus dans la tête, mais elle devient pleinement unifiée avec le corps. La prise de conscience profonde peut être entraînée à se concentrer sur n’importe laquelle de ces 5 sensations internes à pratiquement n’importe quel endroit du corps, tout comme l’esprit superficiel sait déjà comment faire passer à volonté sa concentration de la vue à l’écoute, au goût etc.– de même qu’il peut aussi se concentrer sur certaines vues, certains sons ou certaines saveurs en excluant d’autres sensations similaires.

Se concentrer sur les 5 sens internes veut dire que la conscience écoute au même niveau qu’écoutent les parties du cerveau contrôlant le mouvement. Toute intention produite à partir de ce niveau agit directement sur le corps sans besoin de l’intervention de pensées. 

Sentir véritablement son corps
Lorsque la “véritable écoute du corps” commence à prendre le relais, il va aussitôt falloir passer par le travail sur la position finale correcte ou même sur les positions de transition. L’attention doit s’ajuster en suivant le processus de changement continuel, dans la mesure où chacune des milliers de petites modifications produit un nouvel état Esprit–Énergie–Corps, et chaque état est aussi important que la posture finale. Progressivement une vraie sensation permet une écoute globale du corps ou sensation globale.

Il est bien connu que, dans sa relation au mouvement, le système nerveux se divise principalement en 3 parties. Un premier ensemble de voies nerveuses – les nerfs moteurs – transmet les messages du cerveau aux muscles – qui incluent la moelle épinière, le plexus solaire et d’autres faisceaux moins denses de neurones –.  Un autre ensemble – les nerfs sensoriels – transmet en retour les messages au cerveau. Un troisième ensemble interconnecte les neurones. Chacun requiert un entraînement spécifique, mais le fait de se concentrer sur la prise de conscience et l’exactitude du flux constant des petits changements à l’intérieur de la forme du Taiji fait travailler les trois. La conscience subtile du corps, le contrôle subtil du corps associés à l’intelligence qui gère leur interaction, sont les aspects principaux du Taiji développés par la forme du Taiji sur le premier niveau interne. Plus notre effort vers une prise de conscience profonde et un changement intentionnel et attentif sera important, plus notre capacité sur ces deux lignes sera forte. Une attention brouillonne et négligente mène sur une voie complètement différente.

Les petits changements musculaires produisent des forces sans modifier significativement la position extérieure du corps. Ils se produisent inconsciemment lorsque nous nous déplaçons et sont à leur maximum au moment où le corps s’arrête et inverse la direction du mouvement.

Ce sont les changements du yin et du yang du corps. Le changement maximum interne correspond au changement minimum externe. Quand, après l’avoir expérimenté, nous voyons l’avantage des petits changements musculaires sur le mouvement externe alors nous avons fait notre premier pas vers l’intériorisation de notre Taiji. Ceux qui n’ont jamais fait ce pas peuvent continuer leur vie entière à pratiquer et même à enseigner des mouvements externes, incapables de voir au-delà des critères de force et de vitesse.


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